Sexisme et cinéma (2)

Rebond de ma note de mardi dernier. La banalité de ma remarque m’a poursuivie. Au fond, je passe beaucoup de temps à réfléchir sur des choses banales. Et sans doute est-ce inévitablement le cas dans une perspective féministe : on a la pensée focalisée sur ce qui, normalement, ne retient pas l’attention.

Bref, j’ai eu l’occasion hier de rebondir hier sur mon amorce de réflexion – qui ne portait pas tant sur le sexisme de certaines comédies délibérément caricaturales que sur celui des films qui ont façonné notre imaginaire intime et sa palette de désirs.

Invitée à l’émission La grande table Idées (ah, ce son feutré des studios de France Culture et l’intelligente voix d’Olivia Gesbert !), Mona Chollet parle de son livre, paru hier. Et que j’ai déjà commencé, en grande fan que je suis. En parlant de l’érotisation de la menace masculine, Olivia Gesbert repasse la célèbre scène dans laquelle Han Solo « séduit » la princesse Leia en la menaçant. Elle lui dit qu’il lui fait peur et lui se rapproche davantage encore d’elle jusqu’à l’embrasser. C’est une scène que j’avais revue plusieurs fois déjà non plus avec le regard de l’adolescente qui n’y voit même pas la domination, mais sous le prisme de la culture du viol dont les ressorts dans la scène sont très manifestes.

Dans son livre, Mona Chollet déconstruit cette masculinité, qu’on retrouve justement dans les différents héros de cinéma joués par Harrison Ford. À la fois menaçant et macho, il aime les femmes et est désiré par elles.

Et c’est exactement ce que je sous-entendais mardi dernier chez /ut7 lorsque je parlais des personnages de Robert Redford dans les films de Sidney Pollack, que j’aimais pourtant beaucoup précisément parce qu’ils me paraissaient nettement moins machos que les autres héros (comme ceux joués par Harrison Ford). Avec beaucoup plus de finesse et de modération, on retrouve néanmoins ce schème de la masculinité dominante, égocentrée et séductrice. Et les femmes « fortes » deviennent beaucoup plus « petites » lorsqu’elles se mettent à l’aimer. Mona Chollet développe justement ces deux points qui structurent la relation hétérosexuelle comme une relation de domination, pour le maintien de laquelle la femme sera prête à sacrifier beaucoup (et beaucoup plus que l’homme).

Il y a deux ans, au séminaire de Simone, je proposais mon hypothèse selon laquelle les femmes – pour être aimées – doivent mimer une bêtise qu’elles n’ont pas. La « féminité » est liée à cette manière de réduire en apparence son intelligence et son initiative intellectuelle. En corollaire, je disais que le problème est que les hommes savent que les femmes pensent. Et que ce savoir représente une menace pour eux. Ainsi, il faut jouer les rôles prescrits par la domination masculine, mais on sait que le réel est autre. Ce qui génère des conflits : la peur et la colère masculine augmentant avec leur crainte de la liberté des femmes.

Je dévore le livre de Mona Chollet en notant les références. Celles-ci me permettront d’aller beaucoup plus loin.

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