Chercher

Je n’énonce pas de sages préceptes. Ce serait alors comme si j’affirmais, que je déterminais et que je savais tout. Et ce n’est pas vrai. Je cherche moi-même, je nage exactement comme les autres.

Pina Bausch

La promptitude avec laquelle certain·es disent aux autres comment ils ou elles doivent se comporter m’inspire de plus en plus de méfiance. J’y vois davantage le symptôme d’un goût du contrôle, de l’influence, du besoin de renforcer ses propres certitudes, que le signe d’un savoir pratique supérieur. En matière d’éthique, on peut parvenir à identifier ce qui ne devrait pas avoir lieu, ce qu’on ne doit pas faire (l’expérience de l’injustifiable est même la racine de l’éthique pour Jean Nabert, qui a influencé Ricœur et d’autres). 

La formulation de ce qu’on doit faire dans l’absolu nous échappe. D’abord parce que plusieurs actions peuvent être préférables, et non simplement une seule. Ensuite parce que toute situation éthique est surdéterminée (trop de facteurs interviennent pour qu’on puisse en avoir une connaissance exhaustive). Enfin parce que, dans la réflexion sur l’action bonne ou préférable, il faut faire une place aux différences et à la complexité des tempéraments. 

En ce sens, j’ai toujours redouté qu’on vienne chercher des préceptes dans la philosophie. Que ce soit sous la forme de règles morales ou de recettes pratiques. Le grand commerce des formules rassurantes ou prescriptives, raflant les places en tête de gondole des librairies, m’effraie tant par ses effets que par la détresse sociale dont il est le symptôme.

Parce que, pour reprendre la formule de Pina Bausch dont j’admire le courage intellectuel (ce qui rend son travail si intéressant et si libre), s’efforcer de réfléchir, c’est reconnaître qu’on nage comme les autres. On ne dira pas comment il faut nager, penser, agir. Ni ce qu’il faut faire pour être quelqu’un de bien. Mais on se concentrera pour essayer de nager de façon moins mécanique, moins académique, moins étrangère à nous-même. Que cette concentration puisse soutenir d’autres dans le développement de leur propre gestuelle, avec leur sensibilité singulière (comme Pina Bausch le pratiquait avec ses danseuses et danseurs) serait déjà merveilleux. 

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