Moult façons de se dépayser. Près de chez soi, en observant enfin ce qu’on a longtemps ignoré. Au loin, en rencontrant des paysages et des modes de vie tout à fait inconnus. Par l’imaginaire à l’œuvre dans les fictions ou dans les œuvres d’art en général. Par la conversation où l’on considère l’expérience d’autrui, ses désirs, ses peurs, ses perspectives sur la vie et le monde. Par l’histoire où l’on se dépayse du côté des origines toujours réinterprétables (Ricœur). Dans l’oubli aussi, qui peut libérer les expériences à venir du poids des expériences passées. Dans les idées et la philosophie, où l’on se décale des « évidences » pour tenter de se rapprocher des détails et de leurs ambivalences.
Mais surtout : une forme de dépaysement ne suffit pas. On ne se dépayse sous chacune de ces formes que parce qu’on peut passer de l’une à l’autre. En d’autres termes, on se dépayse quand on éprouve l’exiguïté de ce qui était jusqu’alors familier, la contingence de ce qui nous semblait jusqu’alors nécessaire.