Des limites nous restreignent parce que nous croyons en elles. Et ces restrictions – accumulées dans le temps au gré des inquiétudes et des discours reçus – accélèrent une forme de vieillissement qui n’a pas à voir avec le ralentissement inéluctable des cellules, mais avec la réduction de nos possibilités de vie, de gestes, d’actions, d’initiatives. Réduction censée apaiser nos peurs, mais renforçant durablement les crispations puisqu’on désapprend à vivre avec souplesse. On se crée des impuissances en restreignant notre imagination (Spinoza), et l’on s’appuie sur l’idée qu’on vieillit pour se persuader d’avoir raison de le faire.
À l’inverse, on peut observer des personnes qui vieillissent sans faire de leur âge un motif de renoncement et de rigidification. Elles ne pensent pas que l’âge leur confère plus de raison, d’autorité ou de sagesse. Elles ne disent pas : « tu verras… ». Elles savent leur âge, mais elles attendent de constater qu’une action leur est réellement devenue impossible avant d’y renoncer. Jusqu’à preuve du contraire, elles sont jeunes. J’ai beaucoup appris en questionnant et en regardant de telles personnes, si modestes. Comme si, à force de penser à elles, je parviendrais à m’en inspirer. Elles sont les sources de sagesse pratique que j’admire le plus.