Le vendredi 18 avril 2021 de 18h30 à 20h, nous nous retrouvions dans une salle zoom pour une introduction à ce livre éclairant de Martha Nussbaum. J’en ai déjà parlé dans un épisode du podcast (épisode 5 saison 1), mais nous nous sommes plongé·e·s cette fois dans la démarche de la philosophe américaine.
Nous avons lu de près ce texte programmatique, à la lumière des autres idées contenues dans l’ouvrage :
« Comment définir le type de pays et de citoyen que nous essayons de produire ? La principale proposition opposée au modèle fondé sur la croissance en vigueur dans les cercles de développement international, proposition à laquelle je me suis associée, est connue sous le nom de paradigme du développement humain.
D’après ce modèle, l’important, ce sont les chances ou capabilités dont chaque personne dispose dans des domaines essentiels qui vont de la vie, de la santé et de l’intégrité corporelle à la liberté et à la participation politiques et à l’éducation. Ce modèle de développement reconnaît que tous les individus doivent être respectés par les lois et les institutions. Une nation est décente si elle reconnaît que ses citoyens ont des droits dans ces domaines, entre autres, et élabore des stratégies pour les élever au-dessus d’un seuil minimal.
Le modèle du développement humain soutient la démocratie, puisque le fait d’avoir son mot à dire dans le choix des mesures politiques qui gouvernent sa propre vie est un élément essentiel d’une vie humaine digne. Le type de démocratie défendu accordera toutefois aux droits fondamentaux un rôle crucial, qui ne pourra pas être remis en cause par le caprice de la majorité : il favorisera donc des protections solides de la liberté politique, des libertés de parole, d’association et de culte et des droits fondamentaux dans d’autres domaines comme la santé et l’éducation. (…)
Si un pays souhaite promouvoir ce type de démocratie soucieuse des individus, désireuse de promouvoir le droit à la vie, la liberté et la poursuite du bonheur pour chacun, quelles capacités doit-il susciter chez ses citoyens ? Les points suivants semblent essentiels :
- la capacité de raisonner adéquatement sur les questions politiques qui concernent le pays, d’examiner, de réfléchir, d’argumenter et de débattre sans s’en rapporter à la tradition ni à l’autorité ;
- la capacité de reconnaître ses concitoyens comme des personnes dotées de droits égaux, aussi différents qu’ils puissent être par la race, la religion, le genre et la sexualité : les considérer avec respect, comme des fins et non de simples outils à manipuler pour son propre avantage ;
- la capacité de se préoccuper de la vie des autres, de comprendre ce que différents types de mesures politiques signifient pour les possibilités de vie et les expériences de tous ses concitoyens, ainsi que des étrangers ;
- la capacité d’imaginer une varité de problèmes complexes qui affectent l’histoire d’une vie humaine dans son déploiement : penser à l’enfance, à l’adolescence, aux relations familiales, à la maladie, à la mort, etc., en se nourrissant de la compréhension d’un vaste ensemble
- d’expériences humaines, et pas seulement en agrégeant des données ;
- la capacité de juger les décideurs politiques avec esprit critique, mais avec un sens réaliste et informé des possibilités qui leur sont ouvertes ;
- la capacité de penser au bien du pays dans son entier, et pas seulement à son groupe spécifique ;
- la capacité de voir ensuite son propre pays comme une fraction d’un ordre mondial complexe où se prosent des problèmes de différents ordres, dont la résolution exige une délibération transnationale intelligente.
Ce n’est là qu’une esquisse, mais elle permet au moins de commencer à exprimer ce dont nous avons besoin. »